La station maritime de Pointe-au-Père
au début du 20e siècle



Préambule

Dans la foulée des événements entourant le 100e anniversaire du naufrage de l'Empress of Ireland, j'ai entrepris la modélisation 3D de l'Empress, puis du Storstad, impliqué dans cet accident, et enfin du bateau-pilote Euréka, en service à cette époque. Une animation 3D sera le sujet d'une autre page web.

J'ai complété cette reconstitution avec la mise à jour de ma modélisation 3D précédente du site de Pointe-au-Père. La présente page est illustrée uniquement avec le fruit de cette modélisation. Le texte est très largement inspiré de celui que j'avais demandé à Paul Lemieux en 1982, alors que j'étais directeur du Musée de la Mer.

   

Le site

À la fin du 19e siècle et au début du 20e, au fil du développement des technologies de la navigation et des aides à la navigation, le site de Pointe-au-Père prend de plus en plus d'importance. D'abord simple poste avancé des pilotes du Saint-Laurent il devient rapidement la référence pour le monde maritime, peu importe si la station officielle de pilotage est du Bic depuis plus d'un siècle. La construction du premier phare en 1859 répond d'ailleurs à des demandes de compagnies maritimes, pour mieux y guider les capitaines de leurs navires.

Devant son importance stratégique le gouvernement n'a pas le choix en 1905 d'y déménager la station officielle de pilotage du Saint-Laurent en aval de Québec. On dote alors l'endroit de toutes les installations nécessaires pour en faire un site maritime de réputation mondiale; il devient la porte d'entrée vers le nouveau monde pour bon nombre de capitaines et leurs passagers.

La modélisation

J'occupe mon temps libre à des modélisations 3D pour un simulateur de vol. Une de mes scènes est une série de phares le long du Saint-Laurent. Le site de Pointe-au-Père en fait partie, mais avec les bâtiments actuels, y compris la tour à claire-voie et la plus récente maison du gardien. Une fois les trois navires pré-cités modélisés je décidai donc de mettre cette région de ma scène au goût du jour... de 1914.

Ma scène "historique" comprend donc les installations présentes entre 1900 et 1914. Certains bâtiments ont été construits bien après 1900 et d'autres ont été retirés avant 1914. C'est donc une juxtaposition non-chronologique, mais ça donne une excellente idée de l'importance du site.

Le réalisme des bâtiments dépend des documents historiques disponibles; certains sont plus photographiés (ex : le phare) et d'autres moins (ex : les remises du quai), d'où la variation de la précision d'exécution. Il s'agit donc plus d'une oeuvre d'interprétation du patrimoine qu'une reproduction historique méticuleuse. La différence entre certaines images témoignent d'une constante évolution de la modélisation, selon l'acquisiton de nouvelles informations.

Lorsque j'étais directeur du Musée de la Mer, j'avais commandé dès 1982 une maquette du site à l'échelle 1:200, sur la base d'une carte-plan datant de 1911-13. Intéressant de voir que, plus de 30 ans plus tard, je reviens à la maquette, mais sur ordinateur! Les fouilles archéologiques de 1992 ont permis de valider la précision de la carte, notamment en exposant les fondations du hangar du compresseur.


Les installations

Troisième phare

Mis en opération en 1909, il le demeura jusqu'en 1975, alors qu'il sera classé lieu historique canadien, assurant ainsi sa conservation. Son architecture est très intéressante mais pas unique (tours semblables à la pointe Sud de l'ile d'Anticosti et à la pointe Estevan sur l'ile de Vancouver).

Hangar du compresseur (aussi appelé : abris du générateur)

En plus de celles menées dans le hangar du criard à brume, le phare accueillit d'autres expériences sur l'émission du signal sonore. Une corne à brune fut même installée dans le haut, juste sous la tourelle. L'air comprimée était fournie à partir de ce hangar, tout au pied du phare.

Ce hangar aurait aussi servi à la production d'acétylène lors d'essais pour remplacer le kérosène qui alimentait alors le feu du phare.

Maison de l'ingénieur

Elle hébergait au tout début l'ingénieur du criard à brume et sa famille. Elle deviendra la demeure du gardien de phare lorsque les deux fonctions seront jumelées. Elle a abrité le Musée de la Mer dans les années 1980.

Le Ford modèle T 1914 n'appartient pas au gardien ni à l'ingénieur. Probablement une visite importante...

Hangar du criard à brume

Pointe-au-Père a été le site de nombreuses expériences pour améliorer le système canadien d'aides à la navigation. Une de celle-ci a été l'implantation, l'essai et la mise au point de la corne à brume utilisant le diaphone, qui produisait un son puissant à finale sonore très typique. Le son était produit par vibrations d'un piston activé par l'air comprimé. On voit ici la grosse corne à brume orientable sur rail, et une plus petite, dans une lucarne. Il y eut d'autres modèles testés, et même un dans le phare!

Hangar du gardien

On ne sait pas trop à quoi il servait exactement mais on peut supposer que le gardien ou l'ingénieur du criard à brume s'en servait pour l'entreposage et la réparation.

Second phare

Il a été construit en 1867, suite à l'incendie du premier phare datant de 1853. Le gardien y demeurait. On y retrouvait également un télégraphe terrestre, qui assurait la transmission des informations sur les mouvements et la cargaison des navires, et un poste des douanes.

À sa démolition, dans les années 1960, ce bâtiments était connu comme la Maison des pilotes.

Annexes du second phare

Le second phare ayant aussi été pendant longtemps la résidence du gardien du phare, on retrouve à l'arrière plusieurs annexes, dont une laiterie et une glacière. Le gardien et sa conjointe du phare y avaient aussi aménagé un jardin.

Grange

Cette grange servait d'abris aux vaches et aux chevaux du gardien du phare alors qu'il demeurait dans le second phare. On ignore à quoi il a servi par après.

Poste des signaux

Un poste de signaux était installé tout près de la maison du gardien du phare. Il était utilisé pour la transmission de messages par le code international à drapeaux.

Le gardien du phare s'en servait aussi pour annoncer la présence ou le besoin de pilotes pour telle ou telle compagnie maritime. Ici, hissé tout en haut du mat, le drapeau du Canadien Pacifique.

Jauge des marées

Pointe-au-Père était la station officielle de lecture des marées pour cette partie du Saint-Laurent. Le bâtiment qui abritait la jauge n'est plus là mais on peut voir sur place le canal artificiel creusé (ou dynamité) pour amener l'eau au plus près du rivage. La station sera déménagée sur le quai construit à partir de 1903. Elle était à l'époque la station hydrographique de référence pour le calcul du "point zéro" (l'altitude minimale de la marée) pour tout le système du Saint-Laurent.

Le poste tempête

Cette potence permettait de hisser un cône et un cylindre noirs, bien visibles au large et très utiles pour les capitaines de voilier. L'orientation du cône indiquait la provenance du coup de vent : pointe vers le bas vent de l'Est, la pointe vers le haut vent de l'Ouest. On y ajoutait le cylindre si le vent s'annonçait fort.

Ici on y annonce donc un coup de vent violent en provenance de l'Ouest.

Station Marconi

Bien que Pointe-au-Père était doté d'une station de télégraphe terrestre, on y installa en 1910 une station de télégraphie sans fil, mieux connue sous le nom de station Marconi, du nom de l'inventeur de cette "nouvelle technologie des communications".

Station de sauvetage

Tout près du quai un hangar abritait une grosse chaloupe prévue pour les sauvetages en mer.

Canon et poudrière

Avant l'installation du criard à brume, le canon était le moyen privilégié, en temps de brume, d'indiquer aux marins la position du site maritime. On tirait alors un coup de canon à toutes les 30 minutes. À blanc, bien sûr... mais il fallait entreposer la poudre dans une solide poudrière.

Voilier du gardien

Le gardien du phare, avec son petit voilier ponté, donnait parfois un coup de main à l'Euréka en période d'affluence des navires en attente d'un pilote. À l'instar des goélettes de l'époque il était gréé en voiles auriques.

Quai

Le quai a été bâti en 1901 puis rallongé quelques années plus tard, jusqu'à une longueur totale de 800 pieds.

Bateau-pilote Euréka

L'aménagement de la station officielle de pilotage à Pointe-au-Père coincidait avec une nouvelle aire du pilotage sur le fleuve et un support plus important du gouvernement. L'arrivée de bateaux pilotes à vapeur, modernes et rapides, comme l'Euréka en est un bon exemple. Parait-il aussi qu'il amenait les touristes en ballade!

Se sont ensuite succédés comme bateau-pilote à Pointe-au-Père : l'Abraham Martin (I et II), le Jalobert et le Citadelle.

Maison McWilliams

Propriété du gardien du phare à une certaine époque, elle deviendra le poste avancé des médecins de la quarantaine de Grosse-Île. Elle terminera sa carrière en tant qu'hôtel.

Pendant les belles années de la station maritime, Pointe-au-Père verra d'ailleurs apparaître une multitude d'hôtels et de maisons de pension destinés aux pilotes et aux marins de passage de même qu'aux touristes.




Carte datant de 1911-1913 ayant servi de base à la modélisation.
Tirée et modifiée de la source (1).


Site historique reconstitué

Dans un plan de développement touristique datant de 1988, j'avais proposé de reconstituer ce site avec les bâtiments présents à cette époque de prestige. Ils offraient amplement de superficie d'exposition pour répondre aux besoins actuels et futurs et le tout aurait créé un site maritime unique au Québec, sinon dans le monde, de par son ampleur et son accesibilité continentale. On a cependant choisi la très discutable (et très discutée) architecture du pavillon de l'Empress, juste en face du site historique du phare, défigurant l'endroit à jamais.


Pour en savoir plus

Voici le résultat d'une recherche Google sur la station maritime de Pointe-au-Père qui vous permettront de compléter ou de préciser vos connaissances sur cet important site d'aides à la navigation.


Sur Youtube

Courte vidéo sur la station à partir des modélisations 3D. Produite avec "les moyens du bord", les limites techniques du matériel de l'auteur permettant pas la qualité souhaitée... Mais c'est mieux que rien, comme on dit!


 

Sources

1 Lemieux, Paul, Les installations maritimes de Pointe-au-Père, Revue d'histoire du Bas-Saint-Laurent, Vol. 9 No. 3, Octobre-décembre 1983
2 Fortin, Jean-Charles, La grande navigation et les installations maritimes de Pointe-au-Père, Revue d'histoire du Bas-Saint-Laurent, Vol. 8 No. 3, Octobre-décembre 1982
3 Saindon, Richard, Découvertes archéologiques au phare de Pointe-au-Père, Revue d'histoire du Bas-Saint-Laurent, Vol. 16 No. 2, Juin 1993
4 Pointe-au-Père avant 2002, site web de la ville de Rimouski.
5 Collectif, Une lumière sur la côte, Pointe-au-Père 1882-1982, Corporation du centenaire de Pointe-au-Père.
  Ont aussi contribué aux recherches de l'auteur : Johanne Beaulieu, Paul Larocque et Paul Lemieux.