Marée haute,
marée basse
Jean-Pierre Fillion
Version revue et corrigée, adaptée de la brochure du même titre
Illustrations tirées intégralement de la brochure
© Jean-Pierre Fillion 1986, 1999, 2005, 2013
Cette brochure faisait partie d'un projet de panneaux d'interprétation répartis dans les années 1990 tout au long du littoral du Saint-Laurent, de Mont-Joli à La Pocatière, projet parrainné par l'Association des biologistes du Québec. Marc Brassard en avait assuré la rédaction, accompagnée des mêmes superbes illlustrations de Claire Ross. Il reste quelques copies de la brochure chez son auteur, que vous pouvez contacter pour en recevoir (5$ chacune).
INTRODUCTION
La plus cordiale bienvenue dans le Bas-Saint-Laurent, et plus particulièrement dans la belle région rimouskoise.
Comme vous l'avez sans doute remarqué, c'est ici que le fleuve prend vraiment l'allure d'une mer. En fait, à partir d'ici et vers la Gaspésie, vous allez longer le littoral presque continuellement pour ainsi pouvoir contempler l'immensité de ce petit océan intérieur.
Eh oui! "petit océan intérieur". C'est bien le qualificatif donné à l'estuaire maritime par les scientifiques qui travaillent en région en océanologie (l'étude de l'océan). En fait, on retrouve ici des conditions environnementales semblables à celles qui régissent la vie marine de l'Atlantique. De la même manière que là-bas, la salinité et la température de l'eau, les courants, vagues et autres phénomènes seront les principaux facteurs qui détermineront ici la présence et la survie de telle ou telle espèce végétale ou animale.
Bien que cette vie marine soit des plus diversifiée, une bonne partie de ses éléments sont pour la plupart inaccessibles, sauf pour quelques privilégiés de la plongée sous-marine. Cependant, il est généralement admis que le littoral maritime est la zone de l'estuaire où l'on retrouve la plus grande diversité animale et végétale ainsi que les plus forts taux de production organique. Et cela ne peuit que laisser des preuves. En effet, une promenade le long du littoral peut vous amener à la découverte de nombreux phénomènes et créatures vivantes tous aussi intéressants les uns que les autres. Il y a bien sûr les oiseaux, mais également les mollusques, les crustacés, les algues, les baleines et les phoques. Les poissons nécessitent quant à eux des moyens plus élaborés pour en permettre l'observation (pêche, aquarium, etc.).
Ce modeste ouvrage a justement été conçu pour vous aider à mieux découvrir cette nature maritime avec laquelle vous venez d'entrer en contact et que vous aimerez sûrement connaître davantage. Divisé en quatre parties, il vous présente d'abord les caractéristiques générales de l'estuaire maritime du Saint-Laurent, puis les organismes qui y vivent, les principaux milieux naturels et enfin des suggestions de sites ou d'attraits maritimes intéressants de visiter.
Nous vous souhaitons de belles découvertes et une meilleure compréhension de notre environnement maritime. Il ne s'en portera que mieux, et vous aussi!
Notes
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Les noms des espèces sont tels qu'au moment de la rédaction. Plusieurs diffèrents des noms actuels.
Le Saint-Laurent, porte d'entrée maritime du Québec, du centre du Canada et des États-Unis, coule sur plus de 3 800 km. Une partie est constituée d'eau douce, l'autre d'eau salée. Une partie subit l'effet des marées, l'autre non. À partir de ces caractéristiques physiques, on l'a divisé en quatre grandes zones. La première, les Grands Lacs, constitue le plus grand système d'eau douce au monde. La seconde zone, le fleuve, coule entre la fin du lac Ontario et la région de Trois-Rivières. L'eau y est douce mais les marées absentes. Ensuite, de la fin du lac St-Pierre jusqu'à Pointe-des-Monts, s'étend l'estuaire, influencé par les marées et de salinité variable. Au-delà, c'est le golfe, jusqu'à l'océan Atlantique.
Comme l'estuaire présente lui-même des particularités différentes le long de son parcours, on l'a subdivisé en trois sections. La première est constituée d'eau douce; c'est l'estuaire fluvial, de l'amont du lac St-Pierre jusqu'à la région de Montmagny. La seconde voit débuter l'influence de la salinité; l'eau saumâtre de l'estuaire moyen coule de Montmagny jusqu'au niveau du Saguenay. De là, et jusqu'au golfe, c'est l'estuaire maritime, véritable petite mer intérieure. Parce qu'ils ne tiennent compte que de la salinité dans leur définition de l'estuaire, certains océanographes considèrent que celui-ci débute tout simplement à Montmagny, pour se terminer à Pointe-des-Monts.
La température
Après la salinité, la température de l'eau est l'aspect le plus "saisissant" de l'estuaire. Les amateurs de baignade n'y sont guère choyés, sauf en quelques rares sites très populaires, car la température moyenne de l'eau de surface y est plus près de 5o C que des 15o C rencontrés dans certaines parties du golfe St-Laurent.
En fait, tous les plaisanciers nautiques doivent considérer la température de l'eau comme facteur très important. En cas de naufrage, le corps humain ne peut résister longtemps à cette basse température, à moins d'être adéquatement protégé. Avis aux navigateurs!
Cette température de l'eau est principalement due à l'entrée dans l'estuaire des eaux froides de l'Atlantique nord. A son tour, la température de surface des eaux de l'estuaire influence grandement, le vent aidant, celle des régions côtières. Et de façon assez rafraîchissante, merci!
Par ailleurs, la salinité agit directement sur le point de congélation de l'eau. En effet, le sel abaissant ce point, on pourra rencontrer de l'eau liquide, et non glacée, à O et parfois même -2o C! C'est ainsi que durant l'été, par le jeu de la densité et de la température, l'eau de surface pourra être à 10o C, alors qu'elle sera de 0o C à 20 m de profondeur et à 4o C au fond...
Les minéraux
La salinité exprime la quantité de sels dissous dans l'eau de mer. En face de Pointe-au-Père, elle est de 27 grammes par litre d'eau et de 29 gr/l dans le golfe. Cette salinité est surtout due aux composés du chlore, les chlorures. Et de ceux-ci, le chlorure de sodium (le sel de table) est le plus abondant. Il est principalement produit par la dissolution des roches volcaniques dans les océans. Que ce soit sous forme composée ou simple, on rencontre également dans l'eau de mer des concentrations variables de nitrates, de phosphates ainsi que différents métaux, comme le zinc, le cuivre et même de l'or...
Les minéraux contenus dans l'eau de mer sont à la base de toutes les pyramides alimentaires marines puisqu'ils servent de "carburant" aux producteurs de matière vivante, surtout les algues.
Les courants
On l'a vu précédemment, la température froide des eaux de l'estuaire est d'abord due à l'apport de l'Atlantique. Cependant, le système des courants dans l'estuaire est encore plus complexe et très intéressant.
On peut établir de façon simplifiée les principaux courants de l'estuaire comme étant ceux-ci: le courant d'écoulement du fleuve, le chenal laurentien, le courant du Saguenay et des grandes rivières et enfin celui résultant des marées. Cette variété de courants marins et la configuration géographique particulière de l'estuaire et de ses rives produiront des phénomènes tels les courants en spirale et les courants inverses.
Le plus intéressant de ces phénomènes est sans doute le courant qui emprunte le chenal laurentien, sorte de canal sous-marin qui parcourt longitudinalement l'estuaire et le golfe, de l'océan jusqu'au niveau du Saguenay.
Rappelons-nous qu'à cause de sa densité plus grande, l'eau salée a tendance à se tenir sous l'eau douce lorsque les deux se rencontrent. A la marée montante, une formidable masse d'eau nous arrive de l'Atlantique, ce qui a pour effet de gonfler les eaux du fleuve. Cette eau étant plus dense que celle qu'elle croise dans l'estuaire, elle coulera donc en profondeur, vers l'amont (l'ouest), sous les eaux de surface du fleuve. Cette eau retrouvera par conséquent un courant qui coule dans le fond de l'estuaire vers l'amont, dans le sens contraire du courant d'écoulement normal du fleuve qui lui se dirige vers l'aval (l'est).
Le chenal laurentien se terminant vis-à-vis le Saguenay, ce courant inverse remontera vers la surface à cet endroit. Les éléments nutritifs qu'il transporte, mêlés à ceux du fleuve et du Saguenay, y produiront une importante concentration alimentaire. C'est en grande partie pourquoi on rencontre dans cette zone autant de baleines, attirées qu'elles sont par la vie animale qui y prolifère grâce à cet apport d'engrais naturels.
Les marées
Les plus spectaculaires mouvements d'eau rencontrés dans l'estuaire sont sûrement les marées que l'on observe deux fois par jour, avec un retard de cinquante minutes chaque fois. Ce déplacement régulier de milliards de tonnes d'eau, en plus d'impressionner le visiteur, joue également un rôle de base primordial en conditionnant la forme du relief, la structure des habitats littoraux ainsi que leur composition végétale et animale.
Le phénomène des marées est causé par une foule de facteurs, les principaux étant les forces d'attraction lunaire et solaire. Et même si elle est plus petite, c'est la lune qui exerce l'effet le plus évident, tout simplement parce qu'elle est plus près de nous que le soleil.
Le mouvement des marées suit donc la rotation de la lune, avec un léger décalage. À cause des curieux caprices des forces gravitationnelles, lorsque la marée est haute dans une région donnée (A), elle l'est également en son point opposé du globe (C). À ce moment, elle est basse aux points perpendiculaires (B et D).
L'amplitude des marées dépend beaucoup du relief des estuaires. Elle sera plus grande quand le montant doit s'engouffrer par exemple dans un fleuve ou une baie en entonnoir; c'est pourquoi les marées ont plus d'amplitude à Québec (5,8 m) qu'à Pointe-au-Père (3,4 m).
Mensuellement, les marées atteignent un maximum alors que le soleil et la lune sont l'un derrière l'autre en ligne avec la terre, leur attraction s'additionnant. Leurs maxima annuels coïncident avec les périodes d'équinoxes. Ce sont les marées d'automne et du printemps.
Une chaîne alimentaire typique est composée d'éléments inorganiques, de végétaux (les producteurs de matière vivante), d'herbivores et de carnivores (les consommateurs) ainsi que de décomposeurs (les recycleurs). Dans l'estuaire, ces végétaux sont surtout des algues, la plus grande partie étant microscopiques. Ces algues composent le phytoplancton, ou plancton végétal.
Comme tous les végétaux, ces algues microscopiques sont capables de transformer la matière non vivante (minéraux, gaz carbonique, etc.) en matière vivante, grâce à un processus chimique complexe qui utilise la lumière du soleil comme source énergétique: la photosynthèse.
Le phytoplancton comprend une foule de groupes d'algues qui eux-mêmes se divisent en une multitude d'espèces. Les Diatomées constituent le groupe majoritaire et elles croissent dans l'océan en quantités phénoménales. À titre d'exemple, prenons la chaîne alimentaire du Rorqual à bosse, une baleine à fanons de 30 tonnes qui fréquente l'estuaire. Cette chaîne comprend des minéraux, des Diatomées, de petites crevettes, des harengs et enfin la baleine elle-même, chaque maillon entrant dans l'alimentation du maillon suivant. Pour soutenir pendant une seule journée une telle baleine, à la fin de la chaîne, il aura fallu au début près de quatre (4) billions de Diatomées. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres!
Un autre groupe, les Dinoflagellés, est moins abondant mais a un impact très sérieux sur une activité très populaire et typique de notre région; la cueillette des mollusques. Une de ces algues, le "Protogoniaulax", sécrète une toxine, sorte de poison naturel. Les Myes (clams), Moules et Palourdes qui s'en nourrissent n'en sont pas incommodées comme tel, mais la toxine s'accumule dans leurs tissus (ex.: les muscles) et leur ingestion par les humains peut avoir des conséquences graves. Il est donc vital et légalement obligatoire de respecter les avis gouvernementaux relatifs à la cueillette des mollusques.
Outre le phytoplancton, les algues sont aussi présentes sous une forme plus visible, soit les grandes algues du littoral. Parce qu'elles utilisent également la lumière solaire dans leur cycle vital, on les retrouvera dans la zone de balancement des marées ou en eau peu profonde. Bien qu'elles aient toutes besoin d'un support solide pour se fixer (ex.: rocher), elles subiront des conditions environnementales variables, selon les espèces. On en trouve des vertes, des brunes et des rouges.
Certaines supportent bien d'être exposées à l'air libre, à marée basse. C'est le cas du Fucus (ou varech). D'autres exigeront au contraire une immersion permanente comme la Laitue de mer, ainsi nommée à cause de sa couleur verte et de la forme de ses fines "feuilles".
Selon leur emplacement sur le littoral, elles seront soumises à des variations plus ou moins grandes de salinité et de température. Elles doivent également lutter contre l'action des vagues qui cherchent à les détacher de leur support. C'est ainsi que l'on retrouve des Laminaires, ces longues algues en forme de lames, échouées sur la plage après une période de vent intense.
À cause des propriétés de plusieurs de leurs éléments, les algues ont été et sont encore utilisées à de nombreuses fins; comme engrais pour les cultures, colorant dans la peinture à l'eau, émulsifiant dans les dentifrices et cosmétiques, anticristallisant dans la crème glacée et certains artistes les emploient même comme matériaux de base pour des tableaux fort originaux!
Même si les algues constituent les végétaux les plus caractéristiques du milieu marin, on ne peut cependant pas passer sous silence certaines plantes de type plus 'terrestre" qui croissent sur le littoral supérieur.
Certaines de ces plantes poussent dans la zone de balancement des marées, non loin des algues, et doivent donc tolérer l'immersion régulière. C'est le cas de la Spartine, plante maritime typique et très productive, qui contribue grandement à faire des marais salés les milieux naturels les plus riches qui soient, à l'échelle de la planète! On retrouve également dans ces habitats la Salicorne, assaisonnement fortement iodé des dîners des navigateurs d'autrefois, de même que la Zostère marine (ou arboutarde), nourriture très recherchée par les bernaches et jadis récoltée dans la région de l'lsle-Verte pour le rembourrage des matelas.
La Lavande de mer, avec ses petites fleurs mauves, supporte très peu l'immersion; on la retrouvera donc souvent dans la partie haute de la batture. D'autres plantes ne seront jamais touchées par la mer mais toléreront l'air salin, comme le Persil de mer, au goût caractéristique, et le Pois de mer, aux fleurs violettes.
On pourra enfin rencontrer l'Iris versicolor, notre emblème floral officiel (depuis octobre 99), avec sa belle grande fleur mauve, et le Seigle de mer, qui indique aux arpenteurs la limite extrême de la marée et qui, tout comme la spartine, contribue grandement à la consolidation du littoral grâce à l'emprise de ses racines sur le sol.
Dans la chaîne alimentaire marine, le zoo-plancton, ou plancton animal, est le maillon qui suit immédiatement le phytoplancton. Le zoo-plancton doit donc pour survivre se nourrir surt9ut de ces algues microscopiques décrites précédemment. A son tour, il sera une précieuse source alimentaire pour bon nombre de poissons et d'invertébrés, sans oublier quelques espèces de baleines.
Généralement, on regroupe dans le zoo-plancton les organismes de petite taille, incapables de lutter efficacement contre le courant. Ce groupe comprend une multitude de formes de vie aussi diversifiées les unes que les autres. On y retrouve aussi bien des méduses que de petites espèces de crustacés (On utilise alors le terme "crustacés planctoniques"). De plus, certaines espèces font partie du zoo-plancton pour un stade seulement de leur cycle vital. C'est le cas entre autres des larves de Mye et de homard ainsi que des œufs de morue.
Le zoo-plancton comprend donc autant des espèces visibles à l'œil nu que d'autres de taille microscopique. Elles sont réparties selon leur tolérance à la salinité et à l'action des vagues. Certaines espèces se rencontrent près du littoral tandis que d'autres se retrouvent en pleine mer, à la merci des courants. Dans ce dernier milieu, le zoo-plancton "nagera" surtout en surface, là où le phytoplancton dont il se nourrit se tient pour profiter au maximum de la lumière solaire.
Le terme "invertébrés" (qui signifie : sans vertèbres) désigne généralement tout animal dépourvu de squelette interne, contrairement à nous. Certaines espèces, comme les méduses, ne présentent aucun squelette comme tel tandis que d'autres, comme les crustacés et les mollusques, le portent à l'extérieur, à la façon d'une armure.
Les mollusques
Les mollusques sont des animaux à corps mou, non segmenté et généralement enfermé dans une coquille calcaire. Les plus communs dans notre région appartiennent au groupe des bivalves (deux valves ou deux coquilles), comme la Moule, et des gastéropodes (mot qui signifie "estomac dans le pied"), comme le Buccin.
Ces animaux adoptent des modes de vie assez variés, ce qui leur permet d'habiter toutes sortes de fonds marins. Certaines espèces vivront fixées sur des rochers, comme les Moules, tandis que d'autres seront enfouis dans la vase, comme les Myes et les Couteaux. Ces deux espèces peuvent même se déplacer dans leur substrat, en se servant de leur unique pied comme point d'appui. Les gastéropodes, comme le Buccin (Bourgot) et la Littorine (bigorneau), peuvent quand à eux se déplacer autant sur les fonds rocheux que sur le sable ou la vase, comme le fait l'escargot sur le sol. Finalement, ajoutons que le Pétoncle est un des seuls bivalves à pouvoir nager librement dans l'eau, grâce à de fortes contractions de ses coquilles, lesquelles sont assurées par le muscle puissant qui lui a valu sa renommée gastronomique.
Les bivalves sont surtout filtreurs et herbivores tandis que les gastéropodes sont surtout prédateurs et carnivores. L'alimentation des bivalves est assurée par des mouvements réguliers qui créent un courant d'eau, lequel circule par l'intérieur du corps. Les aliments contenus dans cette eau (phytoplancton et débris organiques) sont alors dirigés vers la bouche. La fonction première de celle circulation est cependant la respiration, le même courant passant également par les branchies. Dans le cas des mollusques enfouis, ces deux fonctions vitales s'effectuent via un double tube plus ou moins long, le siphon, qui relie l'animal à la surface.
Il est important de renouveler ici l'avertissement relatif à la toxicité des mollusques, tel qu'expliquée précédemment. Ce qu'il faut retenir, c'est que le danger varie de site en site car la quantité de toxine accumulée dans les mollusques est différente selon l'endroit et la période de l'année., Il est donc primordial d'être bien informé sur les zones de cueillette, des inspections gouvernementales étant menées régulièrement. Et peu importent les apparences ou les propos rassurants d'un vendeur de "Clams" d'occasion, rappelez-vous que le danger est réel et qu'une fois peut suffire...
Les crustacés
Les crustacés sont les "insectes" de la mer. Leur corps segmenté, protégé par un squelette externe, porte de nombreux appendices articulés. Une multitude d'espèces sont microscopiques et forment les premiers maillons du zoo-plancton. On rencontre également des espèces visibles à l'œil nu, comme les euphasides (le "krill") qui entrent dans la diète des grandes baleines à fanons.
D'autres sont de taille plus appréciable, comme le Crabe de roches, dont on trouve quelquefois la carapace vide sur la plage. Rappelons en effet que la plupart des crustacés doivent pour grandir se départir périodiquement de leur carapace; c'est la mue. Certains en sont plus ou moins dépourvus, comme le Bernard l'ermite qui doit, pour se protéger, se cacher dans un quelconque coquillage.
Les crustacés se retrouvent aussi bien en eau libre ou en profondeur que sur le littoral. La plupart peuvent nager et plusieurs se déplacent en marchant sur le fond. Certains sont cependant sédentaires, comme le Balane, ce curieux petit coquillage blanc qui vit fixé sur les rochers dans et en dessous de la zone de balancement des marées.
Mais le plus commun des crustacés du littoral est sûrement le Gammare (puce de mer). Ressemblant à une petite crevette, on le rencontre souvent dans les cuvettes que la marée laisse en baissant. Le Homard, bien que présent en région, n'est pas assez abondant pour être exploité commercialement. Quant au Crabe des neiges, notre produit marin régional par excellence, il est plus fréquent vers la fin de l'estuaire maritime et dans le golfe.
Les échinodermes
Le mot "Échinoderme" (prononcer "ékinoderme") vient de la jonction des mots grecs echinos et derma, ce qui signifie "peau hérissée", en référence aux appendices qui recouvrent le corps de ces animaux (épines, appareils locomoteurs et autres ornementations). L'ÉtoiIe de mer et l'Oursin vert sont les deux échinodermes les plus typiques de notre région.
Ces appendices ont des fonctions multiples. Certains, comme les épines, sont utilisés dans la locomotion tandis que d'autres ont un rôle sensoriel, nettoyeur ou protecteur. Remarquez les coquilles vides d'oursins sur la plage; elles sont percées de centaines de trous par où passaient autant de pieds qui servaient aussi à la marche.
Les Oursins sont herbivores et broutent les grandes algues du littoral à l'aide d'un appareil masticateur curieusement perfectionné ressemblant étrangement à une vieille lanterne. Leur exploitation en région était due à la saveur de leurs gonades (glandes sexuelles) dont le goût approche dit-on des noisettes!
L'Étoile de mer est carnivore et son comportement alimentaire est assez particulier. Se nourrissant surtout de Moules, elle enveloppe et tente d'ouvrir les valves du mollusque avec ses bras. Dès qu'une ouverture apparaît, l'Étoile introduit tout simplement son estomac dans la Moule et commence ainsi la digestion de sa proie.
Finalement, l'Oursin plat est, quant à lui, beaucoup mieux connu sous le nom de "dollar de sable".
...et bien d'autres encore
Le fond marin de l'estuaire abrite encore beaucoup d'autres formes vivantes plus ou moins évoluées dont les noms et couleurs nous permettent d'imaginer le spectacle fascinant qui s'offre au plongeur; du vert tendre d'une Éponge de mer au rouge vif d'une Fraise de mer et de l'orange ambré d'une Pêche de mer au bleu perçant des petites "fleurs" d'un Hydrozoaire. Décidément, il "pousse" de bien curieuses choses dans cette mer!
En fait, la richesse de notre faune marine est bien plus diversifiée qu'on pourrait le croire et plusieurs "créatures" que l'on associe généralement aux mers tropicales sont très présentes dans notre région. C'est le cas entre autres de l'Anémone de mer et des Méduses.
D'autre part, certains animaux relèvent plus des contes et légendes comme le Calmar (ou encornet, avec son bec de perroquet, ses tentacules couvertes de ventouses et sa nage à reculons! Mais rassurez-vous, il ne s'agit pas du calmar géant, monstre de 12 m de longueur qui vit dans l'Atlantique, mais d'une espèce plus modeste (30 cm de longueur), plus rassurante et même comestible!
Par ailleurs, certaines adaptations d'invertébrés marins, quoique facilement observables, passent inaperçues à nos yeux. Mentionnons par exemple, les appendices locomoteurs, la trompe et les "redoutables" crochets du Ver de mer. Avouons cependant que la manipulation de cet animal en laisse plusieurs indifférents, voire même hésitants! Mais lorsqu'on explore la nature, ne faut-il pas modifier un peu notre façon de percevoir les choses?
Comme l'indique leur nom, les Vertébrés constituent un groupe d'animaux "munis de vertèbres". En fait, cela signifie tout simplement qu'ils possèdent un squelette interne, comme nous. On retrouve dans cet embranchement des groupes très importants et surtout très visibles pour l'observateur qui explore le littoral, le fleuve... et les quais de la région. De plus, certaines espèces de ces groupes revêtent une importance économique primordiale pour notre coin de pays et la Gaspésie. On pense ici aux poissons pour la pêche, aux oiseaux pour la chasse et l'observation et aux mammifères marins également pour l'observation. C'est donc de ces trois groupes que nous traiterons dans les pages suivantes.
Les poissons
On retrouve dans notre région une grande variété de poissons de valeur économique variable selon les espèces mais d'importance écologique constante. Nous vous présentons ici les espèces que vous serez le plus susceptibles de rencontrer, soit au bout de votre ligne à pêche, sur un quai, soit dans une poissonnerie!
On peut distinguer parmi les poissons marins deux catégories: d'une part les poissons pélagiques (ou de sur face), de coloration argentée et vivant souvent en bancs (Capelans, Harengs, etc), et d'autre part les poissons de fond, nettement plus foncés (Plies, Flétans, etc.) Certaines espèces, comme la morue, sont un peu entre les deux et présentent une pigmentation tirant plutôt sur le beige et le brun pâle sur le dessus du corps.
La capture la plus fréquente sur les quais de notre région est sans contredit l'Éperlan. Cette espèce fraye en eau douce, dans les ruisseaux et rivières, à partir du printemps. Son régime alimentaire se compose d'une grande variété d'organismes, dont le ver de mer, ce qui lui coûte cher lorsqu'accroché à un hameçon...
Le Hareng est aussi très fréquent et significatif dans les prises commerciales. On en capturait autrefois dans les pêches à fascines pour engraisser les cultures. On le déguste fumé ou mariné. Les Harengs de petite taille sont commercialisés sous le nom de "sardines".
Le Capelan est légèrement plus petit que l'Éperlan. La particularité de cet "élégant" poisson réside dans le fait qu'il vient frayer sur les plages sablonneuses, à la faveur d'une bonne marée. On dit alors que le Capelan "roule". Cet intéressant et populaire phénomène survient annuellement ici à partir du début de mai.
Le Poulamon (petite morue ou loche) peut aussi être capturé à partir d'un quai. Il est mieux connu sous le nom de "petit poisson des chenaux". En fait, la famille de la Morue compte plusieurs autres poissons connus et pêchés commercialement, comme le Goberge et l'Aiglefin.
Lorsqu'on pêche sur les quais, il est presque inévitable de capturer un Chaboisseau ou crapaud de mer. Ce poisson de tond à grosse tête et aux yeux saillants déploie ses épines pointues lorsque attrapé, ce qui rend sa manipulation assez délicate. Malgré les désagréments causés aux pêcheurs, il est quand même assez intéressant à observer, surtout à cause de son camouflage élaboré.
Un poisson plus petit, l'Épinoche, vit dans les zones marécageuses du littoral. Il n'a pas l'importance économique et récréative des autres économique et récréative des autres mentionnés mais a quand même sa place dans bon nombre de chaînes alimentaires maritimes.
Même s'il n'est pas considéré comme un poisson strictement marin, le Saumon atlantique n'en est pas moins un élément très intéressant de notre écologie régionale. Migrateur exceptionnel, il quitte sa rivière natale à l'âge de deux ou trois ans pour un séjour plus ou moins long en mer, où il atteindra sa taille adulte. Dans l'estuaire, le golfe et la pleine mer il se nourrit de Capelans, d'Éperlans ou de Harengs mais sera à son tour la proie des Phoques, des Epaulards... et des humains.
L'Anguille est une importante capture des pêcheries littorales du haut estuaire. Née au large des Antilles, elle remonte jusque dans nos rivières pour y passer sa vie adulte. Elle descendra vers le sud plusieurs années plus tard pour s'y reproduire et y mourir...
La Plie est une capture fréquente sur les quais. Son régime alimentaire se compose de jeunes crabes, de vers de mer, de crevettes et même de siphons de Myes! A l'instar d'autres poissons plats comme le Flétan et le Turbot, les Plies ont le corps fortement comprimé, les deux yeux sur le même côté. Pourtant, à la naissance, elles nagent normalement, comme la Morue, mais après un certain temps leur comportement change et elles commencent à nager sur le côté. Assez curieusement, l'œil du côté inférieur (blanc) migre lentement vers le côté supérieur (pigmenté) et les os et muscles de la tête se modifient légèrement. Les plies possèdent un très bon champ de vision et leurs yeux peuvent même se soulever et bouger séparément. Les poissons plats sont également des spécialistes du camouflage car la pigmentation de leur face supérieure peut prendre la coloration du milieu ambiant. De plus, ces poissons peuvent s'enfouir rapidement dans le sable, par secousses saccadées, ne laissant dépasser que les yeux. Les différentes espèces de Plies sont commercialisées au Canada sous le nom commun de "sole".
La recherche de meilleurs sites pour la pèche à la Morue a jadis amené la découverte de plusieurs nouvelles terres dont notre pays. Il n'y a pas si longtemps, l'exploitation de cette espèce était une importante activité économique pour l'Est du Québec, mais la diminution des stocks a amené l'imposition d'un moratoire indéterminé. La Morue est un poisson d'eau froide qui voisine généralement le fond, bien qu'elle puisse vivre à diverses profondeurs et même se nourrir en surface. Habituellement, elle s'éloigne du littoral en hiver et s'en rapproche en été. Plus fréquente en Gaspésie, elle n'en est pas moins présente dans notre secteur dès le début juin; les pêcheurs sportifs on mentionnent quelques belles prises à partir de Pointe-au-Père. Le régime alimentaire de la Morue est très diversifié. Elle fraye en eau libre et ses œufs en développement dérivent au gré des courants. À partir d'un quai ou lors d'une excursion en mer, on peut la pécher à l'aide d'une cuillère; on pèche alors à la "dandinette", à la "turlutte" ou au "jigger" (prononcer : djiggueur)!
Les oiseaux
De tous les animaux associés au milieu maritime, les oiseaux sont sûrement les plus visibles, non seulement parce qu'ils sont faciles d'observation mais aussi parce qu'ils sont nombreux et qu'on les retrouve dans presque tous les habitats.
On rencontre dans le milieu maritime, y compris la zone côtière, plus de deux cents espèces d'oiseaux dont une centaine le fréquentent de façon plus spécifique. On y retrouve des Huants et Grèbes en bordure du littoral, des Pinsons et Fauvettes dans les boisés riverains, des Carouges et Chardonnerets dans les zones humides, des Hiboux et Busards sur le littoral découvert, des Godes et Guillemots en pleine mer, etc.
Nous vous présentons ici quelques-unes des espèces les plus significatives des rivages du Bas-St-Laurent, région privilégiée pour l'ornithologie (étude et observation des oiseaux) grâce à la diversité des habitats.
Ces oiseaux migrateurs sont parmi les plus gros à fréquenter notre littoral. Ils se nourrissent d'herbes et de racines de plantes aquatiques et deux des trois espèces rencontrées dans notre région sont très connues.
La région de Montmagny-Cap-Tourmente est intensivement utilisée par l'Oie blanche au cours de ses migrations automnales et printanières. Mais l'augmentation graduelle de ses effectifs l'amène à se montrer plus fréquemment chez nous. La Bernache du Canada, couramment appelée Outarde, se distingue par son grand cou et la tache blanche de sa joue. Son vol groupé est tout aussi impressionnant que celui de sa cousine blanche. La Bernache cravant est quant à elle moins connue mais toute aussi abondante. De taille plus petite, elle est donc moins repérable dans le marais durant ses migrations. Ne s'y arrêtant que le printemps, elle peut cependant y demeurer pour de longues périodes et cela en groupes parfois très nombreux.
Les canards
Les quelques vingt espèces de canards rencontrés fréquemment le long de notre littoral peuvent être regroupés en trois familles, soit les canards de surface, ou barboteurs, les canards plongeurs et les becs-scies. Nous ne parlerons ici que des deux premiers groupes.
Ces canards se caractérisent par un envol presque vertical et le fait qu'ils ne plongent habituellement pas pour se nourrir. Ils s'alimentent de végétaux, par broutage ou filtration. On les rencontre régulièrement dans les habitats marécageux. Le Canard noir est sans contredit le plus caractéristique de ces milieux humides. Le mâle et la femelle sont semblables avec leur plumage brun marbré et le dessous des ailes blanc. La femelle du canard Malard peut être facilement confondue avec le Noir, parce que presque identique. Le mâle arbore cependant un plumage distinct, avec la tête d'un vert luisant. Aussi nicheur dans la région, le Pilet est moins abondant mais l'élégance sobre du plumage du mâle, avec les fins motifs de son cou et les longues plumes de sa queue, le rend très intéressant à l'observation. Les Sarcelles sont les plus petits canards rencontrés par ici. On distingue la Sarcelle à ailes vertes, avec sa tête brune et son "masque" vert, et la Sarcelle à ailes bleues, avec son croissant blanc sur la joue. Comme chez la plupart des oiseaux, les femelles se ressemblent beaucoup d'une espèce à l'autre. Elles sont donc moins repérables parce que mieux camouflées. N'ont-elles pas la responsabilité des jeunes!
Les canards plongeurs
Comme leur nom l'indique, ces canards peuvent quérir leur nourriture en eau plus ou moins profonde. Ils sont plutôt carnivores. La plupart sont exclusifs au milieu marin mais certains, comme le Garrot à œil d'or, se rencontrent régulièrement sur les lacs du Haut-Pays.
Parmi ces "exclusifs", citons le canard Kakawi, dont on entend courir le cri très tôt le printemps sur le fleuve. Avec son élégant plumage aux couleurs neutres et les longues plumes de sa queue, on l'a choisi comme emblème du Club des Ornithologues du Bas - St-Laurent.
Cependant, le canard marin le plus typique de notre région est l'Eider à duvet. Gros canard blanc et noir (le mâle) ou brun (la femelle), il niche sur les îles et autres endroits isolés de l'estuaire. L'île Bicquette, à 5 km au nord-ouest de Bic, constitue d'ailleurs la plus grosse colonie d'Eider en Amérique du Nord. Ce canard apparaît le long du littoral continental dès le début de juin, après la naissance des jeunes. On le rencontre habituellement en "crèches", sorte de regroupements formés de plusieurs familles (mère-jeunes) auxquelles se joignent parfois quelques femelles solitaires. Ce phénomène social particulier aurait comme principal but la protection des jeunes contre les prédateurs, dont les Goélands. Les mâles se regroupent, quant à eux, plus au nord de l'estuaire. Le duvet de cet Eider est utilisé dans la confection de vêtements chauds, sacs de couchage, etc. On cueille minutieusement le duvet dans les nids, pendant et après la nidification. En fait, le mot "édredon" vient de l'islandais "oedardun": duvet d'eider.
Les oiseaux de rivage
Ce groupe comprend les Pluviers, les Bécasseaux et les Goélands. Généralement apparentés au milieu maritime ou aquatique, leur régime est presque exclusivement carnivore. La majorité sont migrateurs.
Le plus connu des Pluviers est le Kildir, nom qui vient de son cri strident et répétitif. Dans la région, il niche en terrain découvert, ce qui l'a amené à développer diverses techniques de diversion. Poussant des cris et feignant d'avoir l'aile cassée, il attire ainsi tout animal ou humain loin de son nid ou de ses jeunes. Le danger écarté, il y revient, laissant l'intrus ou le prédateur quelque peu déconcerté! Voir aussi l'illustration en bas de page.
Les Bécasseaux migrent par dizaines de milliers. les plus petits, comme les Bécasseaux maritime et semi-palmé, sont des spécialistes du vol acrobatique en groupe serré, disparaissant à tout moment au gré de leurs virevoltes. Les plus gros, comme les Chevaliers, sont moins grégaires.
La Maubèche, la Bécassine et la Bécasse se rencontrent également dans le Haut-Pays, en bordure des lacs ou dans les milieux humides.
Les Goélands, quant à eux, s'accommodent assez bien de tout habitat, toute situation, toute nourriture... et même de l'humain! Le Goéland argenté est le plus commun chez nous. Chamailleur, bruyant et souvent prédateur, il est cependant un nettoyeur très efficace de notre littoral maritime.
Les échassiers
Deux oiseaux de même famille et aux mœurs assez semblables sont des figurants très réguliers de notre paysage maritime. Ce sont le Grand héron et le Bihoreau à couronne noire, que les gens d'ici appellent aussi le couac, à cause de son cri, un "couac" rauque et sec.
Très faciles à observer, il est opportun ici de les décrire brièvement afin de mieux les identifier. Chez le Grand héron, tout est en longueur; le bec, le cou, les pattes et les ailes. Cet oiseau est presque totalement gris-bleu, à l'exception de la tête blanchâtre et des aigrettes noires. Le Bihoreau est de taille plus modeste et a, quant à lui, les joues et le ventre blanchâtres, les ailes grises ainsi que le dessus de la tête et le dos noirs. On le dit plutôt nocturne et il est fréquent de le voir circuler, seul ou en petits groupes, au crépuscule. Il est cependant normal de l'apercevoir en plein jour. Notons que le Bihoreau juvénile arbore un plumage différent, aux rayures grises-brunes dominantes.
Nichant en colonies sur les îles ou en des endroits isolés de la côte ou du Haut-Pays (ex: lacs), ils viennent en bordure du littoral pour des raisons alimentaires. Selon la longueur de leurs pattes, ils marchent dans l'eau plus ou moins profonde à la recherche de proies, constituées surtout de petits poissons et de crustacés.
Ils utilisent souvent la technique de la chasse à l'affût. S'immobilisant à proximité d'une étendue d'eau, ils attendent patiemment qu'une proie daigne se montrer et l'attrapent alors d'une détente fulgurante du cou.
Les spécialistes
Notre environnement maritime est exploité par plusieurs oiseaux dont le régime alimentaire est assez spécialisé. C'est le cas entre autres du Cormoran à aigrettes et de l'Aigle pêcheur, deux "pécheurs" professionnels.
Le Cormoran capture son poisson en plongeant sous l'eau, à partir de la surface. Grâce à son bec long et crochu et à la puissante poussée de ses pattes palmées, il capture aisément Éperlans et autres petits poissons. Ses ailes relativement courtes facilitent la propulsion sous l'eau, mais l'obligent à courir sur l'eau pour s'envoler. Caractéristique inusitée pour un oiseau marin, l'absence de protection huileuse adéquate pour ses plumes l'oblige à se faire sécher, les ailes ouvertes sur un quelconque rocher, dés sa sortie de l'eau.
L'Aigle-pêcheur (Balbuzard, voir illustration en bas de page) attrape ses proies d'une façon différente mais toute aussi efficace. Volant à quelques dizaines de mètres d'altitude, son exceptionnelle acuité visuelle lui permet de détecter facilement une plie en eau peu profonde. Il plonge alors du haut des airs, pattes premières, et la capture. Se secouant en sortant de l'eau, il s'envole vers son nid pour déguster sa proie ou la partager avec ses jeunes.
Un autre spécialiste, mais de la chasse aux petits mammifères, le Busard des marais, s'observe occasionnellement en vol plané au-dessus des champs et des battures herbacées. En milieu maritime, le rapide Faucon pèlerin chasse surtout les petits oiseaux de rivage, en migration, comme les Bécasseaux.
Les mammifères marins
Moins apparents mais souvent plus spectaculaires, les mammifères marins de l'estuaire, baleines et phoques, ont développé des mécanismes physiologiques très perfectionnés d'économie d'oxygène et de conservation d'énergie pour se protéger de l'eau froide et être capable de plongées profondes et de longue durée.
Les baleines se divisent en deux groupes. Il y a d'une part les baleines à dents, comme l'Épaulard, les Dauphins et le Marsouin commun, qui s'alimentent surtout de poissons et d'invertébrés. D'autre part, les baleines à fanons se nourrissent de zoo-plancton et de petits poissons qu'elles capturent grâce à ces fanons, sorte de peignes filtreurs. On retrouve dans ce groupe le Rorqual bleu, le plus gros animal au monde, le Rorqual à bosse, spectaculaire mais plus fréquent dans le golfe, ainsi que le Rorqual commun et le Petit rorqual, les plus répandus dans l'estuaire moyen.
Le Béluga, du premier groupe, est la seule baleine à demeurer à l'année dans l'estuaire. Malheureusement, sa population serait en déclin, notamment à cause de sa chasse intensive dans le passé et de certains produits toxiques dans le fleuve. L'abus de certains opérateurs d'embarcations touristiques au niveau du Saguenay pourrait également lui être néfaste à plus ou moins long terme.
Chez les phoques, le plus répandu par ici est le Phoque commun, de couleur gris-beige, que l'on voit régulièrement étendu sur la batture à marée basse, en groupes. Le Phoque gris est quant à lui moins fréquent.
Le littoral représente la jonction entre la terre et la mer et comprend également la zone où se fait sentir l'effet des marées. Il se divise en trois grands types, soit le rocheux, le sablonneux-vaseux et le marécageux.
La côte rocheuse
La côte rocheuse représente un milieu très rigoureux pour ses habitants; ceux-ci doivent développer des mécanismes afin d'y vivre, y croître... et y demeurer! Ces organismes ont donc perfectionné des systèmes d'ancrage ou d'adhésion. Par exemple, des algues prolongeront leurs "racines" dans les failles de la roche et d'autres s'y incrusteront fermement; les Moules se fixeront sur les galets grâce à de fins filaments très résistants; les Balanes colleront quant à eux leur petit "volcan" directement sur les rochers.
L'action des vagues et des courants a une influence considérable sur les organismes. Par exemple, les Patelles auront une coquille pointue en eau calme mais aplatie en eau agitée! Enfin, les résidents de la côte rocheuse devront se protéger contre l'assèchement dû au jeu des marées; le varech conservera son humidité dans des "réservoirs", les Balanes refermeront leur carapace, les Moules leurs valves et les Gammares se réfugieront dans les petites mares. Ces derniers devront alors tolérer l'augmentation de salinité due à
Contrairement au précédent, cet habitat est constitué de sol meuble. Les organismes y vivent enfouis, certains comme le Couteau droit et la Mye commune (clam) se nourrissant et respirant grâce à leur siphon. La côte vaseuse est entièrement sous l'effet des marées tandis que la sablonneuse devient plus "terrestre" dans la portion supérieure du littoral. Les Vers de mer tirent aussi profit de cet habitat, en s'enfouissant à la marée basse et en sortant chasser à la haute. Parce qu'il n'offre pas de support, les algues et Moules seront absentes de ce milieu ou concentrées sur les rochers.
Les marais salés
Jusqu'à très récemment, les marais salés ne jouissaient pas d'une réputation enviable. On les considérait en effet comme des lieux improductifs, nauséabonds et inutiles. C'est à l'occasion des questions soulevées par les conflits d'utilisation des marais de Kamouraska qu'on a enfin reconnu leur richesse insoupçonnée.
En fait, selon les scientifiques, les marais salés sont parmi les milieux naturels les plus productifs au monde. Ce n'est pas évident à première vue, mais les végétaux caractéristiques des marais, plus particulièrement les Spartines, sont extrêmement productifs et utilisent au maximum l'énergie 50laire et les minéraux contenus dans l'eau de mer pour leur croissance.
Un marais naît habituellement là où le drainage du sol est faible, permettant ainsi la colonisation par certaines espèces de plantes. Il est généralement divisé en cinq grandes zones auxquelles on donne le nom de la plante dominante. La présence d'une plante dans une zone donnée sera déterminée par sa tolérance à l'effet répété des marées, surtout à l'immersion et à la salinité.
À cause de la formidable activité biologique des marais, ceux-ci sont considérés, à juste titre, comme de véritables usines naturelles d'épuration des eaux du fleuve. Mais toute production implique des déchets; les marais sont à cet effet peuplés d'une multitude d'organismes décomposeurs qui recyclent continuellement la matière organique. C'est ce qu'on ne voit pas, mais qu'on sent!
LES OISEAUX DANS LE MARAIS
Les marais sont aussi les sites privilégiés d'une foule d'organismes pendant une partie ou la totalité de leur cycle vital. C'est le cas de certaines espèces de poissons (ex: l'Épinoche), de mollusques (ex: la Moule) et de crustacés (ex: le Gammare).
C'est cependant l'exploitation par les oiseaux qui demeure la plus remarquable. Lorsque libres de glace, les marais sont en effet l'objet d'une utilisation intensive par la faune avienne. Certaines espèces y nichent et y élèvent leurs jeunes (ex: Canard noir et Pilet) tandis que d'autres n'y viennent, toujours avec leur petite famille, que pour le repos, la protection et l'alimentation (ex: Eider à duvet, durant l'été).
Les points culminants d'activités dans les marais surviennent au printemps et à l'automne, lors des migrations. Des milliers d'oiseaux envahissent alors ces milieux pour s'y reposer et s'y refaire des forces; Bernaches, Canards, Bécasseaux, Pluviers, Hérons et autres!
Enfin, d'autres espèces ne fréquentent les marais que pour des fins alimentaires. C'est le cas du Grand héron, du Bihoreau à couronne noire et du Faucon pèlerin.
L'EXPLOITATION DES RESSOURCES MARITIMES BIOLOGIQUES
Les organismes gouvernementaux responsables du domaine des pèches maritimes ont donc comme principaux rôles: la gestion des stocks péchés, la protection des habitats et la réglementation des utilisations possibles des produits de la mer. Cela implique évidemment l'établissement de restrictions à l'exploitation, mais elles sont indispensables pour assurer la survie des espèces exploitées et, de là, la survie de l'industrie de leur pèche ainsi que la protection du public consommateur.
Par ailleurs, la connaissance de base des grandes lois naturelles qui régissent le milieu maritime doit être assurée par des organismes spécialisés dans la recherche scientifique sur la mer. La région rimouskoise est à cet effet bien pourvue de tels organismes et plusieurs institutions y mènent de nombreuses recherches en laboratoire et dans l'estuaire même. Citons entre autres le Département d'océanographie de l'Université du Québec à Rimouski, l'institut national de la recherche scientifique (l.N.R.S.-Océanologie), le Centre de recherche en écologie des pêches, le Groupe interdisciplinaire de recherche océanologique du Québec (GIROQ) et l'institut Maurice Lamontagne à Sainte-Flavie.
Rédaction et supervision: Jean-Pierre Fillion
Recherche scientifique: Marc Brassard
Illustrations: Claire Ross
Partenaire de réalisation: Association des Biologistes du Québec
NOTE: par respect pour l'artiste, l'image des illustrations n'a pas été retouchée, même si la numérisation n'en a pas rendu la pleine qualité. Seuls les textes d'accompagnement ont été reformulés.